Depuis 2022 notre collectif traverse différentes vagues de départ, que ce soit des coopérateurs ou des personnes en parcours d’inclusion.

Comment avancer et poursuivre un projet face à cette impermanence ?
Comment gérer et prendre soin de ces départs humainement et émotionnellement ?
Comment accueillir ces départs, comment soutenir ceux qui restent, comment se séparer en paix, et poursuivre le chemin avec confiance ?
En 3 ans, nous en avons vécu une bonne vingtaine.
Il y en a eu des violents, des tout doux, des déchirants, des « je m’en doutais », des « ouf heureusement ! », des « ouf ! Enfin ! », des « Non ! Pas toi ! » et aussi des « Merci d’avoir cheminé avec nous ! » …
Il y en a certains qui claquent la porte ou qui se volatilisent et disparaissent sans crier gare, d’autres qui vivent le processus jusqu’au bout avec beaucoup de conscience et de respect et qui souvent restent en lien avec nous, en s’engageant comme « Amis de l’ODTV ».
Et puis il y a ceux et celles qui restent et qui assistent à chacun de ces départs. S’invite alors, pour eux, l’apprentissage de l’accueil du « Non » qui vient parfois faire vaciller en soi son propre « Oui » … et ça c’est une vraie médecine !
Au sein de l’ODTV, nous vivons 2 sortes de départs : Tout d’abord celui des coopérateurs : ce sont des personnes engagées financièrement, moralement, physiquement et émotionnellement dans le projet.
Pour un projet de vie comme le nôtre, cette question s’invite souvent en chacun de nous : « Partir ou rester ? ». Car le chemin semble bien long, périlleux, laborieux et semé d’embûche quand on choisit de sortir des sentiers battus !

Pour la personne en tant qu’individu, choisir de partir c’est renoncer à une forme d’idéal de vie qui a germé en elle pendant des mois ou des années. Pour certain(e)s, c’est laisser derrière elle des hommes et des femmes avec qui elle a créé des liens forts. C’est aussi oser exprimer au groupe sa décision, avec parfois un sentiment de culpabilité, de trahison ou d’abandon.
Pour la personne morale, qu’elle est aussi, car engagée juridiquement dans des sociétés : annoncer de partir ne suffit pas. La personne tient certains rôles dans la gouvernance : elle est souvent pilote et/ou contributrice au sein de groupe de travail, elle est une associée au sein de la Coopérative d’Habitants et de la SCCI.
S’amorce alors une phase de transmission des informations et passation de son ou ses rôles au sein de l’Oasis. C’est une étape indispensable à la pérennité du projet.
Souvent quand nous choisissons de partir, c’est que nous sommes arrivés au bout de ce que l’on peut donner.
La tentation est forte de dire :
« - salut c’est fini pour moi, j’arrête l’aventure, je quitte le navire… ! »
De tourner les talons et de ne plus vouloir en entendre parler…
Sauf qu’entre le moment où je décide et le moment où je tourne les talons, il est essentiel de prendre soin de ceux et celles qui restent, par respect pour eux, et aussi pour l’avenir du projet !
La dimension collective prend tout son sens à ce moment-là ! En tant qu’individu je fais des choix personnels tout en prenant en compte que je fais partie d’un groupe qui œuvre pour un projet commun et que cela va bien au-delà de mes intérêts personnels.
Ce passage-là est délicat, très sensible voire périlleux car il demande à chaque individu constituant le groupe de prendre soin de son état émotionnel et d’assumer ses responsabilités jusqu’au bout !
Notre collectif n’étant pas encore complet, s’invite aussi les départs des personnes en inclusion.
Notre parcours d’inclusion dure 9 mois, avec des étapes précises qui vont permettre à la personne de s’approprier le projet, de s’en imprégner, d’y participer et de décider tout au long du parcours si elle souhaite ou non continuer l’aventure.
L’expérience nous a montré qu’il est important pour nous, coopérateurs, de prendre soin de notre énergie. Quand une personne entre en inclusion, cela nous demande de l’accueillir, de lui expliquer nos fonctionnements, d’où on vient, pourquoi nous en sommes rendus là, etc, tout en continuant d’avancer sur les sujets brûlants du moment. Tout au long de son parcours, la personne peut se retirer, d’où l’importance de savoir quelle place lui donner à quel moment du parcours.
Pour soutenir tous ces passages nous avons mis en place des cercles de médiation avec l’association DYDLO (Des Yeux Dans Les Oreilles)
Sur une année nous en vivons quatre.
Chacun de ces rendez-vous, offre au cercle cœur (j’entends par là les coopérateurs) un espace d’écoute pour partager et se déposer émotionnellement en toute sécurité sur les défis, difficultés, doutes, gratitudes, célébrations, que chacun traverse en lien avec le projet et ses aspirations personnelles.
Et cerise sur le gâteau, nous avons fait en sorte que ces cercles coïncident avec des étapes clés du parcours d’inclusion. Ainsi les personnes concernées peuvent au sein de ces cercles se déposer et partager leur expérience dans le parcours, leurs difficultés, leurs doutes, leurs joies et c’est aussi l’occasion pour elles de dire « oui » ou « non » à la suite du parcours.
A l’Oasis du Tendre Vers, nous avons à cœur de prendre soin de l’humain, c’est notre priorité ! Et avec l’expérience, il est évident que ces cercles de médiation gagnent en qualité et efficacité du fait que ce soit une personne extérieure au collectif qui les facilite.
Lorsqu’une personne ne se saisit pas de ces espaces de parole pour annoncer son départ, nous avons appris à ne plus culpabiliser, à fermer nous-mêmes l’espace ouvert lors de l’entrée en inclusion de la personne, pour éviter les fuites énergétiques, en la remerciant, en lui disant au revoir et en fermant le cercle avec nos mains.
Tout ce dispositif humain mis en place aujourd’hui, et ce depuis 2023, au sein de l’Oasis du Tendre Vers, permet d’aborder la fameuse question « Partir ou rester ? » sous un angle différent, à savoir : « si je pars, comment partir ? » et « si je reste, comment rester ? »

S’engager dans ce projet de vie, c’est comme s’engager dans une relation amoureuse, il y aura des hauts et des bas, des moments d’extase et des déceptions, des coups durs et des moments de grâce… En pleine crise, « l’ordre le plus logique serait d’essayer de rester, puis en cas d’échec, d’essayer de partir de la manière la plus digne, humaine, et responsable possible » (extrait d’un article de « philosophie Magazine » lu dans une salle d’attente au moment où je rédigeais cet article héhé !)
Chaque écueil nous a fait grandir en maturité, nous affirmer, nous respecter, nous rendre plus fort et permis de consolider notre capacité de résilience !
Merci à tous ceux et toutes celles qui ont croisé notre chemin jusqu’à aujourd’hui !
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